dimanche 16 mai 2010

vent d'hiver

Ils se souvenaient, lors du départ les 3 girouettes virevoltaient, sur le toit de chaume, de ci, de là au vent d'hiver. Maintenant la bise piquait les joues des pèlerins. Une chouette hululait vers la lune blafarde qu'un halo de brume enrobait. Les galoches pesaient aux pieds; les dos se courbaient tels des roseaux fragiles. Les gerçures rendaient la démarche difficile ; les douleurs progressaient ; tout à coup le trappeur arrêta sa course et demanda à chacun de se préparer à installer le bivouac. Ils étaient à l'orée du bois dont nul n'ignorait, car très proches, que les loups guettaient, à l'affut de la première défaillance ; ils les entendaient au loin, pas si loin ! il était urgent d'allumer les feux.

Comme par enchantement le feu se mit à crépiter, les brindilles s'élevaient suivant le courant ascendant ; Jack, restait en éveil, les sens aiguisés comme ceux d'un animal pourchassé ; il scrutait vers ce trou noir de la forêt ; là, quatre yeux tel des perles étoilées le regardaient ; il rapprocha les chiens des hommes qui n'avaient rien perçu, étala le feu pour agrandir le périmètre, de telle sorte que l'ensemble , hommes, femme et les trois enfants à l'intérieur du cercle de feu étaient protégés. Les loups se balançaient, dodelinant, et il était difficile à jack d 'en évaluer le nombre ; un couple ? deux couples ? des petits ? il ne pouvait le déterminer.

Si c'était une famille de Grands loups ils devraient rester vigilants toute la nuit ; l'hiver plus rude avait fait fuir les loups de la profondeur de la forêt pour les rapprocher des zones urbanisées. On disait que le Grand loup s'était même attaqué aux hommes il y a deux lunes ; il appela doucement ses compagnons et dans un murmure leur expliqua la situation. Il ne voulu pas dramatiser mais il était inquiet. Jack était un trappeur mais il n'aimait pas tuer les bêtes sauvages sans nécessité.

Les enfants, fatigués avaient retardé la marche ; Printz le chien de traîneau, blessé également ; ainsi ils étaient pris par la nuit avant d'avoir pu atteindre la hutte qui devait leur servir de relais.

Maintenant il fallait faire face ; fallait il donner une partie de leur vivre aux animaux sauvages ? Combien étaient t'ils ? Serait ce suffisant pour calmer leur faim et les éloigner ? Ou l'odeur de ces viandes les rendrait ils plus agressifs encore?

Le feu faiblissait, chaque homme était debout auprès de chaque brûlot. Un léger vent d'altitude s'éleva, la lune apparu dans sa rondeur rouge ; Jack cru discerner trois loups ; il éleva la voix, les animaux s'agitaient ; ils semblaient indécis ; une grande bourrasque de vent souleva un énorme nuage de neige qui s'abattit sur eux. Celui qui semblait être le chef de meute se mit à hurler, la femelle dans un cri moins roque l'imita ; au loin l'échos se fit entendre ; le chef s'étira et après un signal imperceptible les trois animaux, baignés dans un rayon de lune firent demi tour et s'éloignèrent dans la forêt.

Le soulagement déferla sur les hommes ; ils organisèrent une garde et Jack pris le premier tour ; les enfants dormaient déjà.

A l'aube, des amas de neige ourlaient les bords de ce qui semblait être la piste ; il fallait se réveiller et repartir sans tarder ; des morceaux de viande séchée constituaient le principal du déjeuner accompagné d'une boisson de couleur brune, mélange ancestral de plantes aromatiques et de sang d'animaux sauvages. Des générations d'hommes et d'enfants avaient été protégés des différentes anémies, prélude de toute sorte de maladies par cette boisson à la fois acre et douçâtre.

Jack, pendant que la femme et les enfants déjeunaient prodigua les soins nécessaires à ce bon Printz, vieux compagnon et excellent pistard. Il était important qu'il reprenne des forces, car sans lui l'attelage perdait beaucoup de son efficience.

Les hommes démontaient le bivouac ; la tension se faisait sentir ; les débordements de la veille devaient être endigués, car seule la solidarité pourrait permettre à ce petit groupe de parcourir les quelques Mille qui restaient.

Pour Jack il était nécessaire de maintenir la cohésion ; faire taire les haines ancestrales qui ne manquaient pas de ré-apparaître à chaque difficulté, s'imposait à lui. Leur survie était à ce prix.

Cette haine de l'autre différent, traversait les générations, objet d'une transmission volontairement persistante. Dans les temps reculés cela avait été la lutte pour les espaces de chasse ; s'étaient amalgamés des divergences sur l'interprétation du culte lunaire et des pouvoirs totémiques ; ensuite la lutte pour les femmes et la survie des tribus. L'ensemble faisait partie de la doxa éducative ; combien de temps faudrait il pour que ces trois enfants apprennent à se respecter, sinon à s'aimer ? La haine finirait elle un jour ?

Jack le trappeur était un pacifiste ; actif il avait ouvert une école de trappeurs où le matin les enfants des différentes tribus apprenaient à lire, écrire, compter et des rudiments de botanique, précieux trésor transmis par sa mère ; l'après midi il confectionnait avec eux tous les outils et instruments nécessaires à la chasse et à la pèche ; par infime touche il leur faisait sentir tout ce qu'ils avaient en commun et ce qu'ils avaient à partager. S' ajoutait, ce lent travail fait de touches successives pour façonner à leur insu un regard nouveau sur la condition des femmes.

Cette lutte, la veille, pour la Femme l'avait stupéfié ! Elle lui avait montré le chemin qui restait à parcourir pour qu'elle ne soit plu enfin traitée comme un objet ou une bête de somme.

C'était son père qui lui avait appris le respect de sa mère ; il manifestait pour elle des sentiments plein de tendresse dont il osait témoigner en public. Les femmes elles même s'en étonnaient ; elles refusaient encore trop souvent d'infléchir l'éducation de leurs garçons ainsi que celle des filles.

Il ne faisait pas bon naitre fille dans les tribus du Nord du Pays du Chiroua. Toutes les corvées, les plus rudes leur étaient destinées ; au hommes la chasse, la pêche ; depuis la venue des hommes blancs, l 'arrêt au bar, d'où les hommes peu habitués à l'alcool revenaient ivres , avait aggravé leur condition......


C'est un écrit rédigé pendant ces soirées difficiles de mars 2010 où maman s' éteignait ... réminiscence sans doute des premiers livres de jack LONDON de la Bibliothèque Verte qu'elle m'avait donné à lire, d'où mon amour pour les grands espaces. Comme j'ai mal !